Dans les couples conventionnels, la routine qui y est attachée et donc la tendance, féminine le plus souvent, à faire de la sexualité une activité annexe du couple, ou bien l'homme trouve ailleurs un peu de peps (mais alors le couple ne dure qu'en apparence), ou bien il se retrouve avec sa frustration en essayant de la surmonter par un acharnement au travail et en querellant celle qu'il a autrefois adoré, pour un oui ou pour un non.

Les couples vanille qui durent sont ceux où le niveau de désir sexuel est équivalent entre l'homme et la femme (car le sexe est la raison d'être du couple du point de vue de l'homme : aucun homme n'irait renoncer à sa liberté pour vivre avec une femme s'il n'avait pas au départ du désir sexuel pour elle. La raison d'être du couple pour la femme est plus souvent la recherche d'une protection et d'un enrichissement affectif, mais cela passe aussi par la sexualité). Si les deux membres du couple ont un faible désir sexuel à satisfaire, ils pourront s'entendre sur les programmes télé, les travaux à faire à la maison, une répartition civilisée des tâches ménagères etc. Cela pourra manquer de flamme vu de l'extérieur, mais eux n'en souffrent pas. Si un autre couple a un désir sexuel fort et durable et de façon équivalente, ils pourront se satisfaire mutuellement, mais il sera rare alors qu'ils ne soient pas entraînés par ce désir même à des relations plus épicées ! La difficulté sera alors de penser à faire le ménage de temps en temps. Ce qui est rare surtout, c'est qu'au bout de quelques mois n'apparaisse pas une différence importante de niveau de désir sexuel et qu'il n'y ait pas en conséquence de frustration.

Ce qui arrive le plus souvent, c'est que la femme a moins de désir sexuel que l'homme, surtout quand elle a déjà enfanté. Et c'est ce qui explique fondamentalement les taux de divorce actuels quand il n'y a plus la pression sociale pour maintenir le couple coûte que coûte ou bien la frustration des hommes qui compensent par des jeux et autres activités masculines étourdissantes amenant à une cohabitation avec la mère de ses enfants plus qu'au maintien du couple proprement dit.

L'intérêt des relations D/s est alors de permettre de sexualiser les relations dans le couple en dehors du coït, ce qui est le cas notamment quand c'est la femme qui prend le rôle dominant : faire la vaisselle pour sa dame ou repasser ses vêtements peut devenir excitant sexuellement pour l'homme si cela se fait dans le cadre d'un jeu de domination et de soumission, punitions sensuelles/récompenses du même ordre. Ainsi l'homme peut cesser d'être frustré sexuellement comme c'est majoritairement le cas dans les couples vanille et la femme peut avoir le sentiment d'être traitée comme une princesse comme ce n'est majoritairement pas le cas dans les relations conventionnelles.

En fait celui qui sera dominant dans ce type de relation sera celui dont le désir sexuel est le moins fort, selon le principe hegelien du maître et du serviteur : le plus fort est toujours celui qui a le moins à perdre, parce qu'en lui le désir est moins fort que la conscience de son humanité et de la liberté qui en découle, fusse au prix du renoncement à des satisfactions charnelles. Ainsi, il peut arriver aussi que l'homme soit dominant quand justement sa femme a un plus fort désir sexuel que lui, mais c'est probablement le plus rare. Car dans les pratiques D/s, un maître n'est pas crédible s'il cherche tout de suite le contact et à tout prix l'orgasme.

Les couples D/s, c'est-à-dire où le désir sexuel est plus fort pour le soumis que pour le maître, ne marchent pas quand le dominant n'assume pas pleinement son rôle ou agit de façon trop mécanique : il fait passer ses envies du moment et la confusion qui en découle avant les règles qui seules permettent de la stabibilité ou bien applique ces règles sans aucun esprit de finesse (même si ces règles intègrent aussi la prise en compte des états de l'un et de l'autre : on ne fait pas n'importe quoi avec un animal de compagnie, il y a certaines règles à suivre pour pouvoir jouir durablement de sa présence, mais cela ne veut pas dire qu'on va par exemple le forcer à se tenir assis si on sait qu'il a un problème au dos).

Parmi ces règles il y a principalement le fait pour le dominant de chercher à créer et à maintenir l'état d'excitation dans lequel le serviteur doit se trouver pour que son désir de servir son maître (ou sa maîtresse) soit à son comble. Il faut pour cela trouver la fine cime se situant entre satisfaction sexuelle et frustration, de façon à ce qu'il n'y ait ni l'une, ni l'autre. Si le serviteur est pleinement satisfait, il passe à autre chose pendant un temps au moins et reprend son indépendance ; s'il est trop frustré, il finit aussi tôt ou tard par reprendre complètement son indépendance tant bien que mal. Pour trouver l'équilibre, user quotidiennement de contact sexuel et simplement physique, en évitant l'orgasme le plus souvent. Une pratique saine pour permettre une frustrante satisfaction (ou une frustration satisfaisante) est l'orgasme inachevé (ruined orgasm en anglais) : au moment où arrive l'orgasme, éviter tout contact, ce qui coule alors permet le renouvellement des fluides nécessaires au bon fonctionnement du corps, le sujet est alors beaucoup moins fatigué et sera souvent très vite excitable à nouveau.

Ensuite, il y a le fait d'être attentif à son soumis : est-il dans l'état d'excitation quasi-permanent qui confère au maître son pouvoir ou bien est-il irritable, paresseux, absent ? S'il est irritable, c'est qu'il est trop frustré. S'il est paresseux, peu enclin à prévenir le moindre désir de son maître, c'est qu'il est trop satisfait sexuellement. S'il est absent, c'est qu'il a commencé à envisager sérieusement de voir ailleurs sa satisfaction (quoique pas forcément d'un point de vue sexuel).

De ce point de vue, et à la différence des couples vanilles se contentant au bout de quelques années de cohabitation pacifique, le couple D/s est à la recherche d'une union passionnée, relevant d'une mystique de l'amour fusionnel où il ne peut y avoir un que parce que les relations de domination/soumission sont assumées.

Mais il y a ici "dialectique" parce que pour exercer une véritable domination, le maître doit d'une certaine manière se mettre au service du serviteur. Et pour qu'il y ait soumission durable, il faut que le serviteur aille au devant des désirs (sexuels et surtout non sexuels) du maître et qu'ainsi celui-ci devienne dépendant du serviteur. Alors les rôles peuvent changer pour explorer de nouvelles possibilités encore.